Quand le feuilleton des brevets logiciels donne un argument en faveur du OUI au référendum sur le Traité établissant une Constitution pour l’Europe

Opportunité pour les uns, régression pour les autres. Quand les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets.

À la veille du référendum français sur la Constitution, nous reproduisons et plaçons côte-à-côte deux articles qui analysent l’épisode de la directive des brevets logiciels en Europe pour en proposer des conclusions diamétralement opposées.

Le premier (lire ci-dessous) n’est autre qu’un extrait d’un très officiel rapport d’information parlementaire de l’Assemblée nationale sur les outils de la politique industrielle, daté du 10 mai 2005.
Le second, daté du 23 mai 2005, est une initiative collective de cinq membres parmi les plus actifs de la communauté du libre francophone qui décident de tirer les conséquences de leur expérience et engagement en faveur de la non brevetabilité des logiciels en Europe.

C’est donc à un petit débat contradictoire que nous vous invitons ici, avec en toile de fond, et ce quelque soit le résultat du 29 mai, la poursuite plus que jamais de mise de la mobilisation pour s’opposer aux brevets logiciels en Europe.

La directive sur les brevets logiciels : un exemple d’opportunité industrielle pour l’Europe encouragée par le Parlement mais bloquée par le Conseil

Extrait du Rapport n° 2299 d’information déposé en application de l’article 146 du Règlement par la commission des finances, de l’économie générale et du plan sur les outils de la politique industrielle (rapporteur : M. le député Bernard Carayon), enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 mai 2005.

En dépit de l’interdiction posée par la Convention Européenne sur les Brevets [1], l’Office Européen des Brevets a délivré en trente ans plusieurs dizaines de milliers de brevets logiciels. La situation nécessitait clarification. En 2002, la Commission (à l’initiative du Commissaire Bolkestein) a engagé une procédure de co-décision pour adopter la directive COD/2002/0047 « sur la brevetabilité des inventions mises en œuvre par ordinateur ». En première lecture, le Parlement européen vote le texte de directive après avoir adopté une série d’amendements : la directive autorisant la brevetabilité du logiciel s’est transformée en une directive rappelant son interdiction.

Depuis, le Conseil a tenté d’adopter en l’état initial, contre l’avis du Parlement européen, le projet de directive sur les brevets logiciels. Les grands industriels du logiciel propriétaire regroupés principalement au sein de la BSA (Business Software Alliance) et de l’EICTA (European Information, Communications and Consumer Electronics Technology Industry Association), ont ainsi obtenu que le 7 mars 2005, le Conseil adopte l’accord initial sur la directive autorisant les brevets logiciels par la méthode de « l’inscription en point A » et qui entraîne un vote sans débat... lors d’un Conseil Pêche ( !). L’accord politique s’est ensuite transformé en position commune, soumise en seconde lecture au Parlement. Afin de préparer les débats, Michel Rocard a présenté, le 21 avril 2005, une « Note sur la brevetabilité du logiciel et des inventions contrôlées par ordinateurs » [2], au nom de la Commission juridique du Parlement Européen. Il reçoit l’appui consensuel des principales formations politiques représentées au PE : Piia-Noora Kauppi (PPE), Maria Berger (PSE) et Eva Lichtenberger (Verts), qui, en accord avec les parlements nationaux, s’opposent au texte, jugé trop rigide et contraire à la fois à la libre concurrence et à une dynamique d’innovation.

Cette directive, d’apparence technique, remet en cause un système par lequel, jusqu’à présent, l’industrie du logiciel et les flux financiers qu’elle draine, restent aux mains de quelques grands éditeurs, principalement américains. L’éclosion d’une industrie du logiciel libre permettrait à l’Europe de reprendre l’initiative en la matière, et de laisser mûrir un potentiel industriel, économique et social en pleine expansion. La maîtrise de l’information et des systèmes d’information est un enjeu essentiel . Les logiciels propriétaires, contrairement aux logiciels libres, ne permettent pas aux utilisateurs de maîtriser les outils informatiques. Ce défaut de maîtrise est évidemment critique dans certains secteurs sensibles...

Ce feuilleton communautaire qui devrait se dénouer avant la fin de l’année est en partie dû au blocage du Conseil des Ministres qui refuse de prendre en compte l’avis ou les appels au dialogue du Parlement européen. Cette situation est appelée à disparaître si le Traité établissant une Constitution pour l’Europe est adopté : extension du principe de co-décision comme « procédure législative ordinaire » [3], publicité des débats au sein du Conseil [4], etc. Le TCE constitue avant tout une opportunité démocratique par le renforcement du rôle du Parlement aux côtés du Conseil, et une opportunité majeure pour l’industrie européenne du logiciel de rivaliser avec les grandes firmes étrangères.

[1] Article 52, Convention Européenne des Brevets, 5 septembre 1973.

[2] http://www.europarl.eu.int/meetdocs...

[3] Articles III-396 et I-34 du Traité établissant une Constitution pour l’Europe.

[4] Article I-50 du TCE.

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> Quand le feuilleton des brevets logiciels donne un argument en faveur du OUI au référendum sur le Traité établissant une Constitution pour l’Europe , le 28 mai 2005 par garcimore (0 rép.)

Je peux me tromper, mais après quelques heures/jours de lectures j’arrive à ce sénario là avec le TCE :

* la commission averti en début d’année les parlements nationaux que le sujet des brevets logiciel sera abordé [mieux !]

* la commission, dont le président a été élu par le parlement, propose un texte (sans doute du même contenu, très éventuellement meilleur) [idem voire un peu mieux]

* la commission donne son projet de loi aux parlements nationnaux (la question est lancée ; sans doute débattue). Si comme on l’a vu, les certains parlements poussent les ministres a refuser / amender le texte,, le Conseil peut très bien demander à ce que cela se fasse [bien mieux]

* le parlement fait son boulot, amende très bien [idem]

* le conseil délibère en public :
 > les ministres qui se sont engagés à s’opposer le font ou reviennent chez eux, devant leur parlementaires, avec les images de leur mensonge [bien bien mieux, les excuses ridicules des ministres qui ont débatu à hui clos étaient pitoyables]
 > la façon de mener les débats et le vote par le président du conseil est publique [bien bien mieux, les abus dont on a pas de preuve, mais qui sont rapportés par les participants au Conseil, sont effrayants]

* le président du conseil est ELU, et ne fait QUE CA, pour 2 ANS ET DEMI
 > il a le temps de s’emparrer de la question (il n’est pas 1er ministre de son pays + c’est son boulot + il est là pour 2 ans 1/2)
 > on peut espérer qu’il est intéressé et compétant pour ce boulot (il a été élu, pas désigné automatiquement)
 > s’il fait mal son boulot il ne sera pas réélu
 > les autres lobbies et les citoyens ont le temps de faire pression sur lui (contrairement aux 3 premiers ministres de 3 pays qui se sont succédé en 18 mois, pas vraiment joignables, sauf pour les lobbies des industriels qui s’en sortent très bien, par exemple en finançant le site internet des 6 mois de la présidence et en menançant de délocaliser des industries...)
 > les travaux du conseil et les décisions peuvent être d’une toute autre nature, et dépendant vraiment d’un choix politique plutôt que de technocrates et lobbies qui décident en huis-clos face à un conseil sans vrai chef [bien bien mieux, peut-être le jour et la nuit !!]

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> Quand le feuilleton des brevets logiciels donne un argument en faveur du OUI au référendum sur le Traité établissant une Constitution pour l’Europe , le 27 mai 2005 par Etienne (2 rép.)

« Cette situation est appelée à disparaître si le Traité établissant une Constitution pour l’Europe est adopté : extension du principe de co-décision comme « procédure législative ordinaire » [3], publicité des débats au sein du Conseil [4], etc. Le TCE constitue avant tout une opportunité démocratique par le renforcement du rôle du Parlement aux côtés du Conseil »

Pas d’accord. La procédure de codécision, dont on a vu dans ce dossier qu’elle est très imparfaite, est généralisée sans connaître de retouche pour en corriger les défauts. La publication des débats au Conseil (victoire incroyable, ou moindre des choses ?) n’est pas générale, elle ne concerne qu’une partie des discussions (mais celles justement du pouvoir normatif).

Le Parlement ne voit pas son rôle renforcé dans le TCE, ou tellement peu que c’est à peine la peine d’en parler. Tout à travers le traité, le parlement n’est cité que pour se voir consulté, ou pour fournir des avis. C’est faire bien peu de cas de la représentation populaire. Au fait, le mot peuple n’apparaît pas dans le TCE.

Si depuis un mois j’appelle tous et toutes autour de moi à voter contre le TCE, c’est bien suite à la forfaiture de la directive Brevets Logiciels, ni pour sanctionner qui que ce soit, ni contre un pays ou un autre. C’est aussi car j’ai lu le texte qui est gravement insatisfaisant. Et, subsidiairement, parce que je réagis par esprit de contradiction au lavage de cerveau généralisé pratiqué par 99.98 % des média dans le pays.

Rendez-vous sur les forums de Framasoft pour une discussion pluraliste à bâtons rompus : la constitution européenne pour les nuls... comme moi !

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> Quand le feuilleton des brevets logiciels donne un argument en faveur du OUI au référendum sur le Traité établissant une Constitution pour l’Europe , le 27 mai 2005 par RilaX (0 rép.)

"La procedure de codecision est etendu a plus de domaines"

C’est super ca, la directive sur les brevets logiciels a toujours été dans le cadre de la codecision. Ce qui veut dire que plus de sujets encore vont etre traité comme cette directive ... Ca va etre beau la nouvelle democratie ...

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